Travailler autrement : l'impact de la crise de la Covid-19 sur l'organisation du Dr Rémy Sierocki

Installé à Saint-Amand-les-eaux (59), le docteur Rémy Sierocki, 29 ans, a revu l’organisation de son cabinet et de son agenda pour gérer au mieux le déconfinement de mai 2020. Des changements durables et bien acceptés par les patients. Mieux : sa nouvelle organisation lui a permis de se rapprocher des patients.



Quel a été l’impact de la crise sanitaire et du déconfinement sur votre planning ?

Lorsque le pays a été déconfiné, en mai, nous avions encore des rendez-vous en place au cabinet. Nous avons repris avec l’équipe deux jours avant le déconfinement, pour se réorganiser au niveau de la gestion de l’agenda, des mesures sanitaires à prendre… Nous sommes partis quasiment d’une feuille blanche et avons changé notre point de vue : nous fonctionnons désormais autrement. Nous avons mis en place des blocs de consultations sur trois demi-journées par semaine et des blocs de soins, le reste de la semaine.

Chaque patient, qu’il soit nouveau ou déjà dans la patientèle existante, commence son parcours au cabinet par une première consultation, quel que soit son problème. Aucun acte n’est réalisé. À l'issue de cette consultation, si l’on estime que les soins sont peu urgents, nous programmons le rendez-vous un peu plus tard. Si c’est plus urgent, nous proposons un rendez-vous dans un bloc de soins. Ces créneaux-là sont plus longs, on voit le patient plus longtemps et nous réalisons un maximum de soins lors de cette séance. Avant le confinement, je recevais une vingtaine de patients par jour. Désormais, quand je suis en journée de soins, je n’en reçois que 12.

 

Cette nouvelle organisation passe-t-elle bien auprès des patients ?

La demande de soins reste importante et désormais, comme il faut passer par la case “première consultation”, les délais de rendez-vous ont augmenté. Chez nous le téléphone sonne très souvent, on a beaucoup d’appels, c’est compliqué à gérer. Mais les gens sont compréhensifs par rapport à tout ça. Ils comprennent la situation. On leur explique que maintenant on doit travailler différemment. 

 

Ce “travailler autrement” va-t-il s’installer dans la durée ?

Je pense que oui. L’organisation au cabinet me tient à cœur. Je pense que pour nous, ici au cabinet, nous allons continuer à travailler comme ça. De toute façon, si la situation sanitaire est toujours la même d’ici un an, nous n’aurons pas le choix. En tout cas, avec mes collègues, nous avons un rythme de travail qui est moins dense, mais on travaille mieux, on est plus organisés, chacun connaît ses tâches. 

 

Quel est l’effet sur votre relation avec les patients ?

Nous passons plus de temps avec eux quand on est en soin, cela nous permet de mieux les connaître, d’avoir une meilleure relation. Personnellement, je pense que ça va devenir normal de travailler comme ça. Les patients ont bien compris que nous sommes obligés de travailler  différemment et de limiter le nombre de rendez-vous, afin de favoriser des séances plus longues. Ce temps nous donne l’opportunité de communiquer plus longuement - même si chez nous, c’est toujours compliqué d’échanger avec le patient en soin. Comme nous prenons plus de temps, je pense qu’on apporte un plus en termes de prévention. On gagne en qualité de soin. Dans ma pratique très orientée sur la parodontologie, je prenais déjà mon temps pour enseigner l’hygiène bucco-dentaire, donc ce n’est pas un gros changement en ce qui me concerne. 

 

Comment communiquez-vous en amont et en aval du rendez-vous avec vos patients ?

Je n’ai pas de site internet, donc tout passe par Doctolib. Avec les consignes on arrive à déjà prévenir les patients qu’en cas de symptômes de Covid-19, il y a des démarches à faire. J’envoie aussi via Doctolib un questionnaire médical et une notice d’information pour les nouveaux patients. Quand ils arrivent au cabinet, on leur demande d’attendre à l’extérieur s’ils sont plusieurs, le port du masque est obligatoire dans tout le cabinet… Je me spécialise en parodontologie, donc je suis amené à faire beaucoup plus de prévention et à communiquer avec des supports papier, avec des modèles de démonstration, parce que la prévention joue un rôle très important dans la pratique de tous les jours.

 

La prévention est-elle encore plus importante aujourd’hui, dans le contexte épidémique ?

Avec le confinement, les grignotages ont augmenté, les brossages journaliers ont diminué. De plus, nous devons donner priorité aux rendez-vous plus urgents. Malheureusement les rendez-vous de contrôle sont plus rares et les délais sont plus longs.C’est pourquoi nous devons insister sur la prévention. Covid ou pas, ma pratique n’a pas changé, j’essaie d’avoir un rôle de prévention tout le temps, elle doit être d’autant plus mise en place.

 

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Une question pratique quand même, passer de 202 patients à 12 patients a forcément un impact financier, c'est gérable ? 

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@drsierocki : une question de @Docagnès suite à votre interview. Je vous laisse échanger sur votre retour d'expérience 🙂

je suis d'accord avec vous , ce ralentissement est propice à une meilleure écoute et une gestion des patients plus parfaite car on prend plus le temps. Catherine Boyer

 

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Bonjour,

 

Légèrement compte tenu du contexte, cependant le fait de réaliser de longues séances diminue le temps d'installation / de désinfection / d'aération.

 

On y gagne en productivité

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Personnellement, je suis également passé de 17/18 patients par jour à 12/13, sur quatre jours pleins. Mon chiffre d'affaires a beaucoup moins baissé que ne l'auraient laissé supposer les deux mois d'inactivité, et je m'en réjouis, mais nous verrons comment a évolué le bénéfice, ce qui peut être très différent. C'est vrai qu'on optimise mieux les séances, mais aussi qu'il y a plus de prothèse fixe, du fait du RAC ZERO et des diverses mesures en faveur d'une meilleure prise en charge. Donc, le chiffre d'affaires aurait peut être bondi par rapport à 2019 de toute façon. Cela dit, le planning est très difficile à gérer, du fait du moindre nombre de patients par jour, et de l'impossibilité de prendre des urgences "entre deux", comme on pouvait éventuellement le faire avant. J'ai une liste d'attente d'une quinzaine de personnes à voir à bref délai, et chaque appel téléphonique peut en apporter une nouvelle. Et ça c'est difficile! Bon courage à toutes et à tous, nous ne sommes sûrement pas les plus malheureu.x.ses.