La numérisation du parcours de soin s’est largement répandue en France au cours des dernières décennies. Si les praticiens saluent globalement cette avancée, beaucoup d’entre eux rencontrent des difficultés dans l’utilisation quotidienne de leur ordinateur. Dans un contexte de pandémie et d’épuisement manifeste des professionnels de santé, il nous semble urgent de voir émerger des solutions digitales qui facilitent le quotidien des soignants.
La santé numérique : une montée en puissance depuis 2000
La tendance générale à la numérisation n’épargne pas le secteur de la santé. Depuis quelques années, les initiatives abondent pour digitaliser le champ médical : la création de bases de données de patients, l’usage de l’intelligence artificielle dans la réalisation de diagnostics, ou encore la conception d’objets connectés. Si la plupart de ces innovations restent embryonnaires, ou cantonnées à quelques spécialités, il est en est une qui concerne déjà l’ensemble du corps médical : la numérisation des dossiers de patients.
Depuis le début des années 2000, la plupart des établissements de soin français se sont dotés de systèmes informatiques conçus pour le secteur médical. Il s’agit de logiciels capables d’assurer l’une ou l’autre des fonctions suivantes :
- la numérisation du parcours des patients : enregistrement des informations, traçabilité des consultations, suivi des examens médicaux, etc... ;
- la communication entre praticiens via des messageries sécurisées ;
- l’aide à la prescription.
Selon une étude de la DREES*, ces outils sont aujourd’hui utilisés par près de 70 % des médecins généralistes, avec une adoption qui atteint même les 80 % chez les généralistes âgés de moins de 50 ans. La numérisation est donc déjà une réalité quotidienne pour de nombreux praticiens.
Des politiques publiques volontaristes
Cette adoption importante découle en bonne partie d’une volonté gouvernementale de numériser le système de santé français. Pourquoi ? Parce que le passage au digital est considéré comme un facteur d’amélioration de la santé publique. On estime qu’il devrait permettre une simplification et une accélération de la prise en charge, un meilleur maillage du territoire, et une vision plus précise de l’état sanitaire de la population. A terme, il est également perçu comme un facteur de réduction des frais de fonctionnement.
En 1999, le gouvernement Jospin a ainsi lancé le premier plan “E-santé” destiné à favoriser la numérisation de la gestion hospitalière. Ce programme a été suivi d’un deuxième en 2009, puis de la Loi Touraine en 2016. En 2019, le Ministère de la Santé a annoncé un quatrième plan à horizon 2022, avec pour objectif d'accélérer la numérisation et de sécuriser les données médicales. Ces différents programmes ont joué un rôle important dans la digitalisation du secteur de la santé et invitent aujourd’hui à envisager les étapes suivantes.
Le bonheur des patients, la douleur des praticiens
De nombreux patients réclament en outre une santé digitalisée. D’après une étude Viavoice menée en 2018, 62 % des Français considèrent en effet que l’utilisation des outils numériques “améliorera le suivi des patients et la prévention des maladies”. Ils sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à utiliser des applications de e-santé, et attendent de leurs praticiens une disponibilité identique à celle de tous les services en ligne.
Face à cette demande, les médecins français se révèlent plutôt pessimistes. S’ils sont 71 % à reconnaître l’utilité de la numérisation comme outil de suivi et de prévention, ils ne sont que 48 % à considérer qu’elle leur permettra de gagner du temps, et 29 % à la voir comme un moyen de faciliter le parcours de soin. Ils sont en outre 52 % à estimer qu’elle risque de détériorer la relations entre praticien et patient.
Ces doutes ne sont pas une spécificité française : aux Etats-Unis, la mise en place du système EPIC a fortement augmenté le temps de travail des médecins concernés, tout en réduisant leur disponibilité en consultation. Il semble donc que, si le principe de la numérisation est largement accepté, l’ordinateur peut aussi constituer un facteur de difficulté pour les médecins. Ce qui est regrettable, dans un contexte où les praticiens français sont déjà victimes d’épuisement professionnel dans des proportions alarmantes.
Pour nous, il est temps de voir apparaître des nouvelles solutions qui soient adaptées au besoin des médecins et des patients, en se mettant à leur service plutôt qu’en leur imposant des contraintes supplémentaires.
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